[ROCKIN' ON GRAVES]
Donc, on dit qu'on en est là. Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien. Retour à la Gouttière. En guise de chat, le trio italien. Je discute avec celui qui me fait un clin d'oeil et qui me dit "alores tou é révénou cé qué ca ta plou".
Oui. Je dis que j'ai des origines de Tarente. Il dit qu'il vivait à 60km de là-bas. Et on s'invente un "on aurait pu être cousin". Juste avant d'aller pisser.
Comme d'habitude je bloque sur chacun des visages. Je regarde leurs manières, leur gestuelle. J'invente des histoires le temps de 30 secondes. J'aurais pu en inventer une, mais la porte est fermée à clef. Tu es l'chef, alors j'oublie. Je rencontre les parents, et je nous imagine plus tard, en train de manger entre adultes consentants. J'me souviens du temps où on s'battait avec Plum, à gueuler contre le grand croque-mi-temps. Et mes lèvres pointent en parenthèses.
Bulu me demande si j'ai des nouvelles de Louise. Mais Louise est un souvenir de plus dans la ville aux cent clochers. Rouen, c'est loin un peu. Ca mélancole, pour dix secondes à chaque fois. Je prends le temps de réfléchir à ma vie ici. Un an avec la crapule et sa famille. La vie en communauté a du bon, du très bon. Je compte le nombre d'amis que j'me suis fait au fil de cette année. Là encore, le plaisir est là. Il y a tout l'reste bien sûr, ce joyeux bordel qui vous fait vivre d'autres sensations, d'autres sentiments. Du violent au blasé. Du concret à l'abstrait. Du chef, au jouet.
Le jour, je regarde comment Betty Page a vécu. La nuit, pendant que tout le monde est à table et regarde l'Italie fredonner. J'imagine un road movie sur fond d'Elvis, une ballade en voiture avec une cassette de Wanda Jackson. Ma vie n'est pas digne d'une chanson d'rap. Mais elle possède les côtés rock'n'roll qui font du bien par où ça passe.
Que je trépasse si je faiblis. Pendant que tu dessines Les Bêtises, tu m'aides à dessiner. J'ai la chance d'avoir un bel entourage.
Et si t'en as envie, si un jour tu ouvres la porte. J'te montrerai c'qu'il y a de ton côté.